Développement de carrière

L’importance du réseau social dans le développement de carrière

Notre psychologue de l’orientation Stéphane Bonzon intervient auprès de nos clients salariés dans des institutions financières pour les soutenir dans le développement de leur carrière professionnelle. Il nous invite à réfléchir à notre propre notion de réussite et d’échec.

Qu’est-ce que la psychologie de l’orientation peut nous apprendre dans le domaine des compétences et sur les compétences attendues dans le monde du travail de demain ?

La révolution numérique entraîne dès les années 70 le passage de la qualification liée à un poste à la compétence liée à une personne. Avec ce changement, la vision routinière de l’activité liée aux postes de travail évolue vers un contexte de travail mouvant impliquant toujours davantage de flexibilité. L’adaptation permanente devient essentielle. Les changements opérés dans l’environnement des organisations et à l’intérieur même de celles-ci appellent des compétences techniques, nécessaires mais non suffisantes, qui doivent désormais s’accompagner de soft skills pour faire la différence. Les notions de potentiel et de talent accompagnent ce mouvement.

L’intérêt pour la notion de compétence se développe mais celle-ci est d’abord essentiellement technique. Lorsque le terme soft skills apparaît, il qualifie les compétences qui n’incluent pas d’interaction directe avec une machine. La traduction française des soft skills renvoie souvent à la notion de savoir-être. Elles sont pourtant beaucoup plus que cela dans la mesure où elles impliquent des capacités d’interaction mais également des capacités de réflexion. Composites, les soft skills reposent sur des dimensions cognitives, sociales et techniques. Elles sont de plus difficiles à évaluer puisque seule leur expression est observable dans un contexte donné. Certains les confondent avec les valeurs ou avec la personnalité, ce qu’elles ne sont bien entendu pas.

Encore aujourd’hui, il n’existe pas de consensus autour d’une catégorisation des soft skills. En revanche, plusieurs initiatives ont contribué à y mettre un peu d’ordre. Parmi ces initiatives, le modèle des 4C fait l’unanimité. L’OCDE tout comme le World Economic Forum ainsi que des milliers de scientifiques à travers le monde voient dans les 4C les compétences indispensables pour affronter les exigences du monde du travail de demain. Ainsi, la créativité, la pensée critique, la communication et la coopération constitueraient une configuration de compétences les moins susceptibles d’être transformées en algorithmes. De nombreux auteurs considèrent à ce propos que les soft skills composent le meilleur atout des humains pour rivaliser avec les machines. La résolution de problèmes et le traitement de l’information accompagnent le plus souvent les 4C.

Que pouvez-vous nous dire sur la place du réseau social dans le développement professionnel et de carrière ?

Il existe un modèle développé par le Prof. Andreas Hirschi de l’Université de Berne qui comprend quatre ressources critiques jugées essentielles pour la gestion et le développement d’une carrière réussie. Ces ressources peuvent être renforcées de manière ciblée. Plusieurs travaux de recherche ont montré qu’elles sont en corrélation positive avec le succès de carrière, tant d’un point de vue objectif que subjectif.

Parmi ces ressources critiques figurent les connaissances et les compétences. Celles-ci sont entendues comme des ressources permettant de répondre aux exigences de performance dans une profession définie. Elles se composent de l’expertise professionnelle, c’est-à-dire des savoirs et savoir-faire spécifiques à la profession, des connaissances générales du marché du travail et de son développement, ainsi que de compétences générales en tant qu’aptitudes utilisables dans une multitude de professions.

Parmi ces ressources figurent également les ressources dites contextuelles, au sens de ressources en capital social. Ce domaine décrit certains aspects du contexte, mais également les conditions générales importantes, tant au sein de l’entreprise que dans le cadre privé, pour façonner une carrière avec succès. Les ressources en capital social se composent des possibilités d’évolution; du soutien de l’entreprise dans le développement professionnel, des défis proposés au travail en tant que possibilités de développer et d’appliquer des facultés personnelles, et enfin, et non des moindres, du soutien accordé par l’entourage entendu comme un réseau élargi.

Des études montrent l’utilité du capital social tant pour la mobilité interne que pour le succès de carrière objectif et subjectif. Gardons à l’esprit que le capital social dont bénéficie une personne dépend des caractéristiques de son réseau social et que celui-ci est influencé par certaines caractéristiques personnelles. Une personnalité proactive joue par exemple un rôle important dans l’établissement et l’entretien de ses relations. De la même manière, certaines caractéristiques structurelles, comme la position du poste ou du service dans l’organisation, peut influencer l’accès aux contacts.

Pour qui veut constituer et développer son réseau, la théorie de la force des liens faibles de Granovetter préconise de privilégier un réseau composé d’un grand nombre de liens faibles. Les liens faibles peuvent être considérés comme des relations non intimes, rencontrées rarement, ou encore de simples connaissances. Ce sont ces liens dit faibles qui favorisent l’acquisition de nouvelles informations et l’identification de nouvelles opportunités.

On l’a compris, développer ses compétences et son réseau est indispensable. Conseillez-vous d’être attentif à d’autres aspects ?

Les publications internationales sur l’orientation focalisent désormais sur la gestion active de la carrière tout au long de la vie plutôt que sur le choix professionnel. Renvoyé à lui-même, l’individu est responsable de sa propre réalisation et toujours davantage incité à élaborer un parcours en phase avec ses aspirations personnelles. Le paradigme de l’orientation tout au long de la vie élargit celui de la formation tout au long de la vie. Chacun devrait donc commencer par clarifier sa propre définition du succès et de l’échec et se demander quelle forme il entend donner à sa trajectoire professionnelle, et plus largement à sa vie. Et c’est une question à se poser inlassablement. La question du sens sous-tend évidemment cette réflexion.

La motivation en tant que ressource psychologique est un autre pilier essentiel au développement de carrière. Celle-ci repose sur la place accordée par soi-même au travail, sur la confiance que l’on possède dans sa capacité à façonner de façon autonome sa carrière avec succès, ainsi que sur la clarté de ses objectifs de carrière. Ceux-ci sont-ils cohérents avec ce que je sais à mon sujet, par exemple en termes de valeurs et d’intérêts.

Quand vous disposez de compétences, d’environnements pour les exploiter et de raisons pour le faire, il reste nécessaire d’entreprendre différentes actions pour que les choses adviennent. La formation continue permanente, la recherche active d’informations sur son marché et son évolution tout comme les pratiques de réseautage, qui consistent à constituer et mobiliser son réseau (ressource contextuelle vue précédemment), sont des comportements et des activités à privilégier.

Quel rôle les organisations ont-elles à jouer ?

Logique de compétence, employabilité et carrière sont étroitement reliées et concernent l’individu comme l’organisation. L’entreprise organise le développement des compétences et s’assure ainsi des collaborateurs et collaboratrices à même de participer à la performance organisationnelle. Le salarié, quant à lui, assure son employabilité et par elle des opportunités de développement de carrière. L’employabilité rend possible la carrière.

Par la culture organisationnelle et les pratiques de management et de GRH, les organisations contribuent à créer des conditions favorables au développement des carrières. L’organisation peut par exemple contribuer à soutenir les carrières durables. Celles-ci sont considérées comme des séquences d’expériences professionnelles démontrant différentes formes de continuité au fil du temps. Des conditions sécures et favorables, le bien-être et la satisfaction sont les caractéristiques des carrières durables.

L’organisation peut contribuer à soutenir le travail décent, un concept au coeur de la psychologie de l’activité de travail. Le travail décent contribue de manière prépondérante au bien-être et à la satisfaction des besoins fondamentaux des individus. Un travail décent renvoie à un travail qui offre des conditions de travail physiques et interpersonnelles sûres, garantit des horaires de travail qui permettent une conciliation entre vie professionnelle et vie privée, prône des valeurs compatibles avec celles des travailleurs et de leur communauté, garantit un salaire adéquat et permet un accès aux prestations de santé.

Concernant la Suisse, les résultats de la dernière enquête européenne de 2015 sur les conditions de travail (la prochaine devrait se dérouler en 2024), démontrent que la satisfaction au travail des salariés suisses dépend de la possibilité de concilier vie privée et horaires de travail. Selon l’auteur du modèle des ressources de carrière, les employeurs qui offrent des conditions permettant de concilier au mieux l’activité professionnelle avec le travail familial et les activités extra-professionnelles sont plus attractifs. Non seulement ils attirent davantage d’employés mais ils arrivent aussi mieux à retenir ceux qui pourraient partir. Les organisations pourraient ainsi par exemple davantage développer les modèles de travail flexibles, dissocier l’évolution de la carrière et le taux d’activité et permettre des pauses de carrière. On le voit encore ici, développement organisationnel et développement individuel sont étroitement reliés.

Stéphane Bonzon

ISFB

Psychologue conseiller en orientation

La créativité, la pensée critique, la communication et la coopération constitueraient une configuration de compétences les moins susceptibles d’être transformées en algorithmes.

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