Développement de carrière

Les métiers bancaires à l’épreuve des compétences numériques

La digitalisation a bouleversé le paysage bancaire, accélérant l’automatisation et redéfinissant les métiers. Si la Suisse fait face à une pénurie croissante d’informaticiens, le véritable enjeu pour les banques dépasse le seul recrutement d’experts IT. C’est la montée en compétences numériques de tous les professionnels, des gestionnaires de risques aux conseillers clientèle, qui devient décisive. Entre finance et informatique, les profils hybrides s’imposent désormais comme la clé de l’employabilité individuelle et de la compétitivité collective.

Les métiers bancaires se sont profondément transformés depuis plus de vingt ans. Les années 2000 ont marqué une accélération de l’automatisation et de l’externalisation, touchant en particulier les fonctions de back-office, de middle-office et les métiers administratifs. Ce mouvement a remodelé le paysage professionnel : les rôles qui demeurent aujourd’hui dans les banques sont hautement spécialisés, exigeant non seulement de solides compétences techniques et réglementaires, mais aussi une compréhension large des métiers, une maîtrise approfondie d’une spécialité et une capacité à intégrer des enjeux stratégiques plus globaux.

Dans ce cadre, la maîtrise des compétences informatiques devient incontournable. Sans être informaticien, chaque professionnel doit savoir aujourd’hui manier Excel dans ses fondamentaux, se familiariser avec les outils d’intelligence artificielle générative en conscience de ses risques et opportunités, et disposer de repères sur la modélisation des données. Ne pas investir dans ces apprentissages, c’est prendre le risque de se retrouver rapidement en décalage avec les attentes du marché.

L’essor de l’intelligence artificielle et ses répercussions possibles sur l’emploi alimentent également la réflexion. Une étude récente menée par l’ISFB met en évidence que nombre d’acteurs de la place financière anticipent une évolution nécessaire des compétences, sans toutefois disposer encore d’une lecture précise du véritable impact à venir.

Selon la faîtière de la branche informatique en Suisse, ICT-Formation professionnelle Suisse, ce ne sont pas moins de 54 400 professionnels supplémentaires de l’informatique qu’il faudra former d’ici 2033 pour couvrir la demande du marché toutes industries confondues. Côté banques, l’Association suisse des banquiers relève que la proportion d’établissements confrontés à des difficultés de recrutement à travers l’ensemble des fonctions est repartie à la hausse : elle est passée de 33 % au premier trimestre 2025 à 40 % au deuxième trimestre (Banking Barometer 2025, SwissBanking, août 2025).

Mais au-delà du recrutement d’experts IT, c’est bien la capacité des spécialistes de la banque, gestionnaires de risques, compliance officers, spécialistes de support, conseillers clientèle, à intégrer des compétences informatiques dans leur pratique quotidienne qui devient déterminante.

Des compétences hybrides de plus en plus recherchées

La difficulté à recruter des profils véritablement hybrides — capables de conjuguer expertise technique et compréhension bancaire — est largement reconnue dans la branche. Chez Azqore SA, prestataire technologique spécialisé dans les services pour la banque privée et membre de l’ISFB, la problématique est bien identifiée. Comme l’explique Charlotte Lebret, Talent Acquisition Partner, « une des difficultés principales est de trouver des candidats ayant une double compétence technique et fonctionnelle. Souvent il y a la technique mais manquent les connaissances de la banque privée, et parfois c’est l’inverse. Le plus complexe reste de combiner expertise technique, esprit de vulgarisation, mindset agile et compétences bancaires: c’est ce mix qui complique la tâche des recruteurs ».

Ce constat ouvre un débat central: faut-il privilégier l’embauche d’informaticiens formés dans les universités et hautes écoles, que l’on initiera ensuite aux spécificités bancaires, ou recruter des spécialistes financiers et leur permettre d’acquérir des compétences numériques via la formation continue ?

À la banque Mirabaud, l’accent est mis sur la première voie. Fanny Wenger, responsable du Recrutement, explique que l’établissement a fait le choix pour ses fonctions spécialisées « de recruter des ingénieurs de formation, ayant étudié les algorithmes, les probabilités, les statistiques, les systèmes de données et la data science, plutôt que des économistes. Les compétences techniques acquises (Python, Java, VBA, PowerBI, SQL…), de même que les qualités personnelles comme la rigueur, l’esprit analytique, la méthodologie ou l’esprit critique, font de ces ingénieurs des ressources devenues indispensables, le tout étant de constituer des équipes équilibrées entre compétences métier et compétences techniques ».

Cette tendance se confirme du côté des recruteurs spécialisés. Thibaud de Balby, Senior Manager Technology chez Michael Page, observe que « dans le secteur bancaire suisse, certaines compétences technologiques sont aujourd’hui devenues incontournables. On retrouve en premier lieu la gestion avancée des données, la cybersécurité, l’automatisation des processus ainsi qu’une maîtrise des infrastructures informatiques modernes ». Selon lui, les tensions de recrutement se concentrent désormais « sur les experts en cybersécurité bancaire, les spécialistes logiciels sur solutions bancaires spécifiques et les architectes IT ».

Des formations initiales qui allient expertise informatique, bancaire et compétences sociales

Dans les faits, la formation initiale joue également un rôle central dans la préparation de ces futurs profils hybrides. À la Haute école de gestion de Genève, Marianne Bayat-Ricard, responsable de la filière Informatique de gestion, insiste sur l’importance de cette double compétence : « les diplômés en informatique de gestion de la HEG allient compétences techniques, en maîtrisant les infrastructures, la gestion et l’analyse des données ainsi que les outils numériques ».

Mais cette dimension technique n’est pas suffisante à elle seule. « Ils développent aussi des compétences organisationnelles, stratégiques et de pilotage, ce qui leur permet d’avoir une vision plus globale », poursuit-elle. C’est précisément cette combinaison qui fait leur valeur dans un environnement bancaire exigeant. « Ils assurent une parfaite communication entre l’IT et les métiers bancaires. Ce sont les professionnels clés pour comprendre la logique métier et développer ou maintenir des solutions informatiques robustes et sécurisées, répondant aux exigences des environnements bancaires et du domaine financier », conclut-elle. Quitte ensuite à former les futurs experts IT aux spécialités de la finance ou au développement de soft skills spécifique par l’intermédiaire de formations de spécialisation lorsqu’ils sont en poste : « les banques accordent de plus en plus d’importance aux soft skills. Les professionnels IT doivent être capables de vulgariser les enjeux technologiques et de dialoguer efficacement avec les métiers, le business et les parties prenantes » rappelle Thibaud de Balby.

Former les spécialistes financiers aux compétences en gestion des données

Si le recrutement de nouveaux experts constitue un levier indispensable pour nombre d’établissements, l’évolution des compétences passe tout autant par la mise à jour continue des compétences des collaborateurs déjà en poste. Leur maîtrise des métiers et leur ancrage dans la réalité bancaire en font des acteurs clés pour intégrer progressivement les savoirs et évolutions numériques dans leur pratique quotidienne.

La donnée étant devenue la matière première de la banque, il n’est plus possible pour un spécialiste de la finance de ne pas en maîtriser les enjeux. Ce serait un peu comme si un médecin refusait de se former aux nouveaux outils d’imagerie médicale : il risquerait de passer à côté d’informations essentielles pour poser son diagnostic. De la même manière, un professionnel de la banque qui ne comprend pas les fondamentaux du data management se prive d’un levier décisif pour analyser, décider et conseiller.

Au-delà des besoins immédiats, se pose aussi la question de l’anticipation des compétences utiles, tant pour l’employeur que pour le salarié. Pour Joseph Baud Grasset, Gestionnaire de formation à l’ISFB et titulaire du Master en formation d’adultes de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education de l’Université de Genève, « anticiper les besoins en compétences nécessite une compréhension approfondie du marché et de ses spécificités. Cela commence par une compréhension fine de l’environnement économique, mais aussi par une prise en compte des stratégies propres à chaque organisation ».

Travailler à valoriser son employabilité, et soutenir le besoin de la branche

La branche bancaire n’a pas seulement besoin de davantage d’informaticiens, d’économistes, de juristes ou autres professions spécialisées, mais également de profils hybrides, capables de conjuguer finance et numérique, rigueur réglementaire et maîtrise technologique. La formation continue apparaît alors comme la clé de voûte de cette transformation : elle permet d’adapter les compétences au fil des carrières, de valoriser des parcours variés, et de renforcer à la fois l’employabilité individuelle et la compétitivité des établissements, et plus largement de la place financière.

Pour l’ISFB, deux compétences transversales se trouvent désormais au cœur des activités de l’ensemble des collaborateurs de la profession, qu’ils soient amenés à œuvrer dans des fonctions de conseil ou de support : la gestion des risques et la gestion des données. À ces piliers s’ajoute une capacité personnelle d’adaptation, devenue indispensable dans un environnement bancaire en constante évolution. Toutes ces compétences et capacités peuvent se développer au travers de la formation continue ou la participation à des projets ou séminaires.

Tout comme l’observe la Fédération Suisse pour la formation continue, les compétences recherchées sur le marché toute profession confondue sont de plus en plus hybrides, combinant expertise technique, capacités cognitives et compétences sociales (FSEA, 2024). Le secteur banque et finance ne fait pas exception : l’avenir de la compétence bancaire se jouera dans l’hybridation entre expertise financière, savoir-faire numérique et développement des compétences interactionnelles. L’avenir de la compétence bancaire se jouera dans l’hybridation entre expertise financière, savoir-faire numérique et développement des compétences interactionnelles — un triptyque où la place financière excelle déjà sur deux dimensions, et où le numérique doit désormais irriguer l’ensemble des métiers, en particulier autour de la donnée.

Mathias Baitan

Directeur général ISFB

« L’avenir de la compétence bancaire se jouera dans l’hybridation entre expertise financière, savoir-faire numérique et développement des compétences interactionnelles — un triptyque où la place financière excelle déjà sur deux dimensions, et où le numérique doit désormais irriguer l’ensemble des métiers, en particulier autour de la donnée. »

Services aux membres en lien avec les thématiques abordées dans cette interview

Certificat ISFB Data Management

 

Durée:
7 jours non consécutifs

Direction de programme:
Stephan Singh, Pictet

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Certificat ISFB Management Bancaire et Adaptabilité

Durée:
9 jours non consécutifs

Direction de programme:
Marion Fogli, Alpian

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Certificat ISFB Private Banking

 

Durée:
14 jours non consécutifs

Direction de programme:
Julien Froidevaux, Piguet Galland

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2025-09-29T17:14:13+02:00