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Entretien avec Jean-Philippe Bernard, Directeur de programme du Certificat ISFB Gestion des risques pour administrateurs
M. Bernard, vous êtes Chargé de cours ISFB auprès de qui vous enseignez depuis de nombreuses années le domaine de la Gestion des risques, les Systèmes de Contrôle internes et les Target Operating Models. Quel est votre parcours professionnel et académique?
J’ai commencé ma carrière en informatique après l’obtention d’un diplôme en analyse systémique et recherche opérationnelle de l’EPFL. Je me suis rapidement tourné vers l’optimisation des processus dans le secteur bancaire et après un passage dans les grands cabinets comme manager, j’ai intégré une banque de gestion privée à Genève comme membre de direction, en charge du département « Organisation & Méthode ».
Depuis 1992 j’ai créé plusieurs sociétés de conseil dont BERYL Management que j’ai dirigé entre 1999 et 2019. Je suis ainsi intervenu dans près d’une centaine d’établissements comme « trusty advisor » auprès des Directions générales et des Conseils d’administration pour les sensibiliser sur la gestion des risques. Cela m’a aussi permis de sortir du contexte purement suisse en menant des missions de conseil dans des instituts financiers à l’international avec des règlementations sensiblement différentes mais observant de grandes similitudes avec nos propres concepts.
Puis, après avoir vendu ma société à un groupe français, j’ai pu réaliser un projet qui me tenait à cœur, comme co-fondateur de la société OPCIS : fournir aux banques suisses de catégories 3, 4 et 5, des référentiels comparatifs (benchmarks) et un logiciel intégrant une méthodologie ainsi qu’un dispositif complet de management du risque et des contrôles permettant de suivre les dernières évolutions réglementaires. Au niveau académique j’ai eu l’occasion d’enseigner l’organisation bancaire dans plusieurs institutions dont les HEG comme chargé de cours ou expert pour les Masters et animé de nombreux séminaires de formation professionnelle sur la gestion des risques opérationnels et des contrôles destinés aux Chief Risk Officers. Par ailleurs, je suis actuellement Administrateur indépendant, membre du Conseil d’administration de la Banque cantonale de Genève et Président du Comité Risque et Stratégie du Conseil.
Quels sont les grands enjeux en matière de risque bancaire aujourd’hui ?
Dans un contexte actuel particulièrement complexe, volatile, ambigu et incertain, une vision prédictive des risques sur le long terme et même sur le moyen terme reste difficile. Elle reste cependant nécessaire pour élaborer les bases stratégiques qui vont conduire le business et assurer la résilience de nos banques. Que dire aussi de l’environnement géopolitique qui peut influencer subitement les chaînes d’approvisionnement et nous imposer sanctions et embargos!
Nous constatons aussi que de nombreux risques deviennent interdépendants (les risques financiers traditionnels comme les risques de crédit, de marché, de liquidité) sont soumis à des variations importantes tout comme les risques opérationnels ainsi que les risques compliance. Il est maintenant nécessaire de mener des stress tests en prenant en compte toutes ces interdépendances.
La gestion des risques devient de plus en plus normée. A titre d’exemple, la FINMA dans sa communication 05/2023 nous recommande indirectement …mais fortement… de renforcer la gestion des risques de blanchiment (risques compliance) en s’appuyant sur les approches utilisées pour la gestion des risques opérationnels (FINMA 2023/01).
Autre constat : nul n’est maintenant censé ignorer la nécessité de poursuivre de nombreux efforts dans le domaine du climat et de démontrer son aptitude à mieux gérer, plus globalement, les critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance). Là aussi de nombreux risques apparaissent comme celui de green washing, green bashing, etc. Par ailleurs, la croissance exponentielle des cyber-attaques est maintenant une réalité du quotidien mais l’influence des réseaux sociaux et l’utilisation de l’IA (intelligence artificielle) deviennent aussi des vecteurs de menaces avec de forts impacts sur le business.
Au niveau des administrateurs : Comment mieux comprendre les enjeux liés aux risques ? Comment prendre position ? Comment juger de manière éclairée la pertinence des approches posées par l’exécutif au niveau des risques ? Comment utiliser ces approches pour les intégrer dans les bonnes impulsions stratégiques ? C’est là, l’utilité d’une formation dédiée aux Administrateurs de Banque.
Vous intervenez dans le nouveau Certificat ISFB en Gestion des Risques pour Administrateurs. Quels sujets y abordez-vous et quels profils vous attendez-vous à côtoyer dans cette formation ?
Tous les sujets que nous venons d’évoquer vont être abordés car une vision à large spectre est nécessaire pour tout Administrateur.
Dans le cadre de la gestion des risques, le conseil a traditionnellement l’obligation de s’assurer que les moyens et approches mises en œuvre par l’exécutif sont corrects et conformes aux exigences (FINMA 2017/01 cm10,14). Nous devons aller au-delà de cette assurance sur la qualité des dispositifs et moyens mis en œuvre, il s’agit maintenant d’intégrer la gestion des risques dans l’élaboration de la stratégie en posant de manière éclairée son appétit au risque.
Donner les codes permettant aux administrateurs d’avoir cette vision à large spectre est devenu indispensable car :
- Le risques 0, pouvant rassurer les administrateurs n’a jamais existé, vouloir trop tendre vers ce risque 0, est assurément anti productif en termes de business et reste une utopie (pas de business sans risque)
- Puisque le risque 0 n’existe de facto pas et que le business ne peut être mené sans risque, il vaut mieux le gérer que le subir
- Une surveillance du risque, sur base d’une informations trop synthétiques peut cacher le «vrai» risque. La capacité à poser les bonnes questions avec une approche de type drill-down devient de plus en plus nécessaire et devrait être accessible aux Administrateurs.
Une compréhension « éclairée » de cette problématique « risque » nécessite donc un minimum de méthode et surtout des points de repère très pragmatiques sur base d’exemples pratiques.
Jusqu’à présent, deux sujets restaient traditionnellement assez confus pour des Administrateurs de banque non issus du milieu bancaire: l’ALM (Asset Liability Management) et la gestion des risques. La formation proposée par l’ISFB répond clairement aux besoins de ces derniers sur les risques.
Donner « the tone at the top » est très utile car la sensibilisation des acteurs des différentes lignes sur les risques et les contrôles reste toujours bien d’actualité et va nécessiter encore beaucoup d’effort.
Même si l’IA va progressivement révolutionner les processus et éliminer définitivement le taylorisme simpliste, elle ne se substituera jamais à la décision très subjective de prendre un risque pour saisir une opportunité.
Ce sera là tout l’enjeu du Conseil d’administration lorsqu’il établira son appétit aux risques.
Jean-Philippe Bernard
Directeur de programme ISFB, et Chargé de cours ISFB
«Au niveau des administrateurs : Comment mieux comprendre les enjeux liés aux risques ? Comment prendre position ? Comment juger de manière éclairée la pertinence des approches posées par l’exécutif au niveau des risques ? Comment utiliser ces approches pour les intégrer dans les bonnes impulsions stratégiques ? C’est là, l’utilité d’une formation dédiée aux Administrateurs de Banque.»
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